Modéliste Padawan

Bonjour à tous,

Je vous retrouve pour un post un peu spécial.

Il y a quelques mois, j’ai consacré 4 jours de congés bien mérités à un projet que j’avais en tête depuis très longtemps : un stage technique de couture.

J’ai trouvé mon bonheur au Cours des Créateurs, à Paris, qui en plus de proposer des cours libres, et autres séances de « couture pour les nuls », propose également des stages plus techniques en modélisme et stylisme.

J’ai choisi le modélisme, car je souhaitais comprendre plus en détail la logique de patronage à plat, aboutir à un patron de base adapté à mes mesures et surtout comprendre les principes de modifications pour pouvoir réaliser ensuite tous les modèles que je pourrais imaginer !

Bien sûr, j’aurais pu acheter un livre sur le sujet, mais j’aimais l’idée de me rendre dans un atelier équipé pour la couture et la création, en compagnie d’autres couturiers amateurs et pros. Je trouvais important de pouvoir échanger, poser des questions, et également acquérir quelques astuces et une logique de travail qui ne soit pas uniquement l’application de règles de modélisme absconses.

Au programme, 4 jours pour créer les patrons de base de la jupe, du pantalon, du corsage, faire les toiles, les ajuster et les déformer à souhait !

1- Principe du patronage

Lors de ce stage intensif, j’ai appris quelques règles et méthodes utiles lorsqu’on travaille des patrons à plat et je vais les partager avec vous.

N’hésitez surtout pas à me laisser des commentaires pour compléter ou corriger mes explications. Je pense qu’il me faudra encore quelques temps pour m’approprier totalement tout ce que j’ai pu apprendre !

La prise des mesures

Vous aurez besoin de plusieurs mesures pour réaliser les patrons de chaque vêtement :

  1. le tour de taille (68 cm) pris  au creux de la taille naturelle, à l’endroit le plus fin (ce qu’on appelle abusivement la taille haute !) : les patrons de base de la jupe et du pantalon sont toujours réalisés avec une ceinture à la taille. On peut ensuite décider de modifier ce patron de base pour en faire un patron taille basse.
  2. le tour de petites hanches (80 cm) mesuré juste au niveau de l’os illiaque : c’est ce qu’on appelle, abusivement encore, la taille basse. Cette mesure est moins critique de façon générale, mais peut s’avérer utile sur certaines morphologies pour parfaitement adapter la toile.
  3. le tour de hanches (94 cm), mesuré au point le plus large, en incluant les fesses : on appelle aussi cette ligne la ligne de bassin.
  4. pour le pantalon, la hauteur de jambe (100 cm), mesurée de la taille au sol, la hauteur d’entrejambe (77 cm) mesurée sur la face interne de la jambe, le tour de cuisse (54 cm) au point le plus fort de la cuisse, le tour de genou (34 cm) et le coup de pied (30 cm) sont des mesures secondaires utiles pour pouvoir dessiner la fourche, établir la longueur du pantalon et assurer un passage du pied sans encombre dans la jambe du pantalon.
  5. Pour le corsage, on rajoutera le tour de poitrine (84 cm), mesuré en passant le ruban sur le saillant de la poitrine

Les mesures sont prises à nu (ou sur un vêtement près du corps), sans serrer et en n’oubliant pas de respirer !

StageCouture-Mesure

Le patronage est là pour faire en sorte que tous les vêtements tombent parfaitement sur vous, quelle que soit votre morphologie, donc inutile de se déformer à la prise des mesures !

Enfin, quelques règles de base à connaître

  • La distance normalisée entre la taille et les hanches est de 22 cm,
  • la distance normalisée entre la taille et les petites hanches est de 9cm.

Vous trouverez également des professeurs qui vous parleront de 10 et 20… bon c’est du détail, au final ça ne change pas grand chose quand on raisonne sur une personne physique car on va toujours réajuster un peu sur pièce, mais ça commence à être utile quand on veut créer un modèle sur la base d’un tableau de tailles standards, ou bien repérer ces lignes sur un patron tout fait.

Les outils et la méthode de traçage

J’ai découvert un nouvel outil, le perroquet, ou même mieux, le pistolet. J’en avais déjà vu bien sûr, mais je ne savais absolument pas m’en servir ! Or ce sont des outils de traçage indispensables au même titre qu’une grande règle plate de 50 ou 100 cm et une grande équerre.

Dans l’atelier, nous avions la chance de pouvoir travailler sur des tables hautes, longues et larges, ce qui facilite grandement le travail. Moi aussi un jour j’aurai mon atelier…

En termes de méthodologie :

  • les patrons de base sont toujours réalisés dans un cadre de traçage rectangulaire dont la largeur est égale à la largeur cumulée du demi-devant + le demis-dos du vêtement (parfois espacés de 2-3 cm au milieu). La hauteur dépendra du type du vêtement souhaité et du rendu.
  • on rajoute toujours 1 cm de largeur au demi-devant et on enlève 1 cm de largeur au demi-dos du vêtement. La demi-largeur totale reste inchangée mais cela permet de déporter légèrement la couture de côté vers l’arrière et d’éviter de la voir quand on est de face ! Question d’esthétique !
  • le demi-dos sera toujours tracé à gauche et le demi-devant à droite dans le cadre, ceci pour en fait patronner le côté droit complet du vêtement.
  • toutes les courbes, les angles, pinces, emmanchures, fourche, encolure sont galbées au pistolet pour éviter les becs disgracieux, et en respectant les platitudes dans les coins
  • enfin, on tracera toujours la ligne de droit fil notée DL (Droite Ligne), et on annotera le patron avec les mentions DEVANT et DOS.

Les pinces

Les pinces sont de petits rentrés de tissus qui permettent de mettre en forme le vêtement (passer de la 2D à la 3D) et de l’ajuster aux courbes du corps.

Les profondeurs et longueurs de pinces sont plus ou moins normalisées, et il existe quelques règles simples quand on souhaite dessiner les pinces sur un patron de base ou en ajouter pour ajuster un vêtement :

  • une pince sera conservée si elle fait au moins 1cm de profondeur (soit 1/2 cm de chaque côté du milieu de pince), sinon elle sera en général supprimée et répartie dans les autres pinces existantes sur le vêtement ou dans les coutures de côté. Sauf si vous souhaitez un effet de style particulier avec une mini-pince! C’est ça aussi la couture, on fait bien ce qu’on veut !
  • A l’inverse, si la profondeur de pince nécessaire pour ajuster le vêtement devient trop importante (supérieure à 3cm) il vaut mieux la répartir en deux pinces sur le demi patron.
  • pour le patron de jupe et de pantalon, les pinces devant sont moins profondes et moins longues que les pinces dos qui, elles, s’ajustent à des courbes souvent plus marquées (la cambrure dos et les fesses). Généralement, les pinces devant feront 2cm de profondeur sur 7 à 9 cm de long, là où les pinces dos feront plutôt 3cm de profondeur sur 10 à 12cm de long. Bien entendu, il conviendra de vérifier le tombé du vêtement et d’adapter au besoin, chaque corps est unique !
  • pour le corsage, le patron de base prévoit 2 pinces de taille devant et dos, une pince de bretelle devant qui arrive au saillant (= pointe) de la poitrine et une pince omoplate au dos souvent omise…

Sur un patron, les pinces peuvent être déplacées, supprimées, regroupées, transformées en découpes et permettent alors de changer le tombé, l’ajustement, la forme et le style du vêtement.

A partir du patron de base, on déduit toutes les formes de vêtements en travaillant quasi uniquement sur les pinces !

L’aisance et les marges de couture

On travaille toujours un patron de base à partir des mesures du corps.

Aussi, si on cousait tel quel le patron obtenu, on ne pourrait pas entrer dedans ! Il faut rajouter de l’aisance, c’est à dire quelques cm de tissu pour que le vêtement enrobe le corps sans le coller.

L’aisance s’ajoute sur les coutures de côtés uniquement du patron de base, et dépend du confort personnel et du tissu utilisé pour travailler.

Rajouter 2 cm d’aisance veut dire qu’on ajoute 2 cm en largeur sur le vêtement complet, donc 0.5 cm seulement sur chaque côté !

En moyenne (encore une fois, la toile sera votre amie !), on ajoute l’aisance comme suit :

  • poitrine : entre +2 et +3 cm suffisent afin de conserver le galbe sans flotter
  • taille : entre 0 et +4 cm selon le tissu et le tombé souhaité
  • hanches : entre +4 et +6 cm pour pouvoir s’asseoir, se baisser etc…

Plus le vêtement final doit être ajusté plus l’aisance doit être faible. On peut même avoir une aisance négative sur un tissu très extensible (-2 cm par exemple) car l’aisance est alors apportée par la matière extensible elle-même. A contrario, plus le vêtement doit avoir un drapé fluide ou est cousu dans un tissu chaîne et trame rigide, plus on va rajouter d’aisance pour le confort.

Une fois l’aisance ajoutée, il ne reste plus qu’à rajouter tout autour de chaque pièce du patron les marges de couture qui permettront d’assembler le vêtement !

2- Du patron de base à la toile

Jour 1 – La jupe

C’est sans nul doute le plus simple des patrons de base.

Il existe des tas de tutos sur le net si vous souhaitez en faire un pour vous sans faire ce stage. La réalisation du patron en lui-même m’a pris la matinée (3h) et j’ai cousu la toile sur l’après-midi.

Pour mon patron de base de jupe, j’ai ajouté 4 cm d’aisance au total sur la largeur des hanches et rien à la taille.

La première toile s’est avérée trop grande, essentiellement à cause de la prise des mesures approximative au niveau des hanches (96 cm mesurés au lieu de 94 cm réels).

De plus j’avais un peu trop galbé les courbes au pistolet ce qui faisait des « oreilles » au niveau des hanches… pas très classe. Je dois dire que le maniement du pistolet nécessite de l’entrainement ! Si vous avez des conseils, je suis preneuse !

J’ai donc repris mon patron de base en réduisant la dimension des hanches de 0.5 cm en largeur sur le demi-devant et le demi-dos (soit 2 cm en tout), regalbé les coutures de côté, rajouté les nouvelles marges de coutures et voila le résultat !

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Je n’ai pas réalisé la ceinture de base qui se constitue d’un rectangle de longueur égale au tour de taille et de largeur 4 ou 5 cm maximum (marges de couture incluses).

J’ai en revanche utilisé la fin de la journée pour apprendre quelques modifications simples du patron de base de jupe pour en faire une jupe évasée, une jupe à pans, une jupe avec découpes aux hanches ou sur la longueur, le tout en triturant les pinces.

Si cela vous intéresse, je ferai un article dédié sur le sujet.

Jour 2 et 3 – Le corsage

Là c’est une autre paire de manches (sans jeu de mot) !

Faire le corsage de base est non seulement beaucoup plus long et complexe que faire la jupe de base, mais cela nécessite clairement l’aide d’un professeur et/ou le soutien d’un livre de modélisme pour ne pas se perdre dans les étapes et les tracés !

En tout cas, cela m’a semblé beaucoup moins intuitif que la jupe ou même le pantalon, et j’ai quand même mis presque une journée entière pour terminer le traçage, galber les emmanchures, ajouter l’aisance et les marges de couture et découper mon patron final !

Cependant, même si je ne pense pas réussir à retracer seule ce corsage de base, je dois dire que la toile correspondante est parfaitement adaptée à ma morphologie et n’a nécessité aucune retouche. Tout tombe pile poil ! Quelle satisfaction !

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Il ne me reste plus qu’à reprendre les emmanchures qui sont un petit peu serrées et descendent légèrement trop bas sur l’épaule, et peut-être retoucher le surplus de tissu dans le dos (on le voit bien sur la photo !).

A ce corsage, il faudra rajouter la manche de base, que je n’ai pas encore faite.

Mais là, je peux dire que je possède définitivement un patron de corsage quasi parfait pour moi !

Jour 4 – Le pantalon

Le pantalon est une pièce qui me faisait peur, peut-être parce que c’est une pièce dont le tombé et la forme sont déterminants dans le seyant du vêtement. Quelle fille personne ne se regarde pas sous toutes les coutures lorsqu’elle choisit un pantalon ?

  • Est-ce qu’il ne fait pas ressortir ma culotte de cheval (éventuelle) ?
  • Est-ce que les poches sont placées correctement pour être flatteuses sur les fesses ?
  • Est-ce que la fourche n’est pas trop basse, trop haute ?
  • Est-ce que les pinces/plis ne me grossissent pas ?
  • Est-ce que la ceinture ne me serre pas trop une fois que j’ai déjeuné ?

Bref, tracer le patron de base du pantalon, c’est prendre conscience des ses formes à un endroit plutôt stratégique de la morphologie féminine… mais c’est aussi prendre conscience des formes de pantalon qui nous iront et celles qui ne nous iront pas ! Alors on y va !

Étonnamment, le patron de pantalon c’est simple : ça n’est rien de plus que le patron d’une jupe avec une fourche en plus !

Voici le résultat sur la toile réalisée à mes mesures avec 4 cm d’aisance aux hanches et 2 cm sur le reste de la jambe.

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Si la toile colle plutôt bien au corps, elle nécessite quelques ajustements selon mes critères de confort et de seyant, comme rajouter un peu d’aisance aux hanches pour la fluidité, modifier le tombé des hanches au genou et descendre la fourche qui était trop haute.

Ce patron de base de pantalon ne me satisfait pas pleinement dans la mesure où je n’ai pas encore abouti à la forme de base qui constituerait mon modèle parfait à reproduire indéfiniment. Mais quelques toiles supplémentaires viendront à bout de ce projet j’en suis sure !

3- Bilan du stage

Je suis ravie de ce stage qui non seulement m’a vidé la tête de mon quotidien habituel mais m’a en plus apporté de nouvelles perspectives en couture. Je me sens beaucoup plus armée pour créer mes propres patrons de vêtement à mes mesures avec les détails de style qui me plaisent.

En plus, suite à un changement de planning, il me reste en réalité une demi-journée de stage à faire encore. Je pense l’utiliser pour modifier les patrons de base en vue d’en faire une nouvelle pièce mode. Je suis actuellement en pleine recherche d’inspiration sur pinterest. Je pense arrêter mon choix sur une robe, avec des détails de pinces ou de plis stratégiquement placés … affaire à suivre !

Enfin j’en profite pour remercier mes professeurs pour leurs précieux conseils et leur patience tout au long de ces 3,5 jours : Virginie, Laura, César, un grand merci à vous !

J’ai hâte qu’un stage de modélisme Niveau 2 voie le jour au cours des créateurs !

J’espère que ce long article ne vous a pas endormis, et que cela vous donne des idées pour diversifier vos projets couture !

A bientôt pour d’autres créations, avec peut-être certaines issues de ces nouvelles connaissances en patronage ? 😉

 

 

 

8 réflexions sur “Modéliste Padawan

  1. merci pour ce reportage, que je vais lire plus en détail.

    Une question, est-ce que ce stage permet de mettre aux mesures les patrons du commerce, je suis très attachée à Vogue- Butterick qui aujourd’hui ne me vont plus super bien, je m’en accommode, mais si je pouvais les « peaufiner », je serais la plus heureuse.

    PS: il y a 20 ans la taille 10/12 semblait m’être faite sur mesure, aujourd’hui 16/18, pas terrible !!!
    Bonne journée à toutes les couseuses

    J’aime

    • Hello Mathilde! C’est vrai que c’est productif mais c’est 8h par jours quasiment! Donc c’est tes intensif! Et c’est ce que j’ai aimé dans ce stage, c’était sérieux! Ma dernière demi journée, je vais soit la consacrer à la manche de base soit à finaliser l’ajustement du pantalon!

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    • Hello Alexandra! Merci pour ton commentaire! Oui c’était un super stage et qu’est ce que ça vide la tête du quotidien! Ca demande beaucoup de concentration, à la fin de la journée j’étais épuisée! Mais le fait de produire un vêtement adapté est une vraie satisfaction comme le fait d’en comprendre les astuces! Pour adapter les patrons à ma morpho, je saisis mieux la nature des modifs à faire, mais ce n’est pas encore très concluant sur les patrons du commerce car je zappe, par flemme, l’étape de la toile… Je pense que pour les pantalons il faut que je passe par cette étape clé à chaque fois… Pour les jupes ça roule j’ai pas trop de pb. et pour les tops ce sont souvent les épaules qui sont trop longues! On apprend à mieux se connaître c’est sur!

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